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Une brève histoire des cloches

Sommaire

Détail d'une cloche et noms de ses éléments

1 / Ferrures ou Ferrements

2 / Bride

3 / Volant ou roue de volée

4 / Palier à roulement à billes ou à coussinet

5 / Tourillon

6 / Bélière

7 / Baudrier ou chape du battant

8 / Battant

9 / Couronne de frappe

10 / Boule de frappe

11 / Joug ou mouton

12 / Anse

13 / Cerveau

14 / Col ou cou

15 / Vase, manteau ou robe

16 / Faussure ou Saussure

17 / Panse

18 / Pince ou patte

19 / Chasse

Les cloches sont les messagères de toute une société : elles annoncent le malheur dans la guerre et les décès, tout comme la joie des mariages et des fêtes.

Apparues dès l'âge du Bronze, elles sont devenues indissociables de la chrétienté qui en a fait sa voix.

Leurs formes et leurs sonorités ont grandement évolué depuis cette époque des premiers chrétiens.

Faisant partie de notre vie quotidienne, elles sonnent l'angélus, appellent à la prière et sonnent les heures du temps qui passe.

Mais qui sont ces cloches qui sont cachées dans nos beffrois et dont on ne sait peu de choses ?

Cette brève histoire des cloches va tenter d'y répondre, bien que de manière très incomplète car il serait presque impossible de tout dévoiler sur ces dames d'airain.

Différentes manières de sonner : tintement et volée

L'airain est un alliage de bronze employé pour fondre les cloches constitué à 78% de cuivre et à 22% d'étain.

Cloche tintée, cathédrale de Lausanne

Cloche à la volée, cathédrale de Lisieux

Cloches à la volée, Sauveterre-de-Béarn

Cloche carillonnées, basilique de Lisieux

Les cloches que l'on entend sonner les heures, sont souvent tintées, un marteau vient frapper la couronne de la cloche sur sa partie la plus évasée pour produire un son net, distinct, marquant de ses coups le temps.

Lors des fêtes, ou lors des appels à la prière, elles sont le plus souvent sonnées à la volée, c'est à dire qu'elles sont mises en branle, balancées autour d'un axe par une roue de volée et un battant vient frapper à l'intérieur la couronne de la cloche. Traditionnellement, cette mise en sonnerie se faisait manuellement, de nos jours, des appareils, des tableaux de commande ont remplacés Quasimodo et ses confrères sonneurs de cloches.

Dans certaines de nos contrées, notamment dans le Midi et le Nord de la France, les cloches sont carillonnées, les ensembles campanaires atteignant parfois plus de soixante cloches permettent de jouer des mélodies du haut des clochers. Ces carillons peuvent êtres actionnés par des claviers manuels en bois, frappés au poing pour faire sonner les cloches (voir fig. 1). Ils peuvent être également automatiques et sonnées à l'aide de marteaux de tintements actionnés par voie électronique, reliés à un clavier numérique ou à un tableau de commande. Enfin, les carillons peuvent être aussi sonnés manuellement en tirant sur des cordes reliées directement aux battants des cloches (voir fig. 2), c'est une tradition de sonnerie caractéristique de l'église orthodoxe.

Fig. 1 : Carillon à clavier manuel

Fig. 2 : Carillon sonné à la corde

Différents modes de volée : lancer franc, rétrograde, rétro-lancé, volée tournante...

La volée la plus couramment employée pour sonner les ensembles campanaires en France, en Suisse et en Allemagne est la volée en lancer franc, également présente aux Etats Unis, en Belgique et en Italie, l'angle de volée peut cependant différer entre ces pays.

La volée en lancer franc consiste à balancer la cloche autour d'un axe de rotation, le centre de la roue motrice selon un certain angle variable de façon à ce que le battant vienne frapper la pince de la cloche et émettre un son. Le battant entraîné par le mouvement de rotation frappe en lancer franc le haut de la cloche.

Voici les différents angles de volée les plus courants¹ :

France, Italie 80 - 110 °

Allemagne 54 - 80 °

Etats Unis 50 - 160 °

Les cloches de la cathédrale d'Evreux sonnent en lancer-franc.

Cloches d'Evreux, crédits audio : Sonneries Hauts de France

La volée rétrograde est un autre type de volée qui contrairement au lancer franc, ne projette pas le battant en hauteur. Généralement, le joug aux dimensions plus imposantes, contribue à un contrepoids important lors de la mise en volée et le battant vient donc frapper la pince cette fois-ci en bas de la cloche.

Ce type de volée se retrouve dans certaines sonneries du Nord de la France et en Belgique.

Les deux bourdons de la cathédrale de Lille sont sonnés en rétrograde.

Bourdons de Lille, crédits audio : Le Carilloneur du Nord

La volée en rétro-lancé est un autre type de volée utilisé parfois pour protéger les maçonneries des beffrois de la poussée des cloches qui peut être très forte. En règle générale, une cloche balancée en lancer franc exerce une force de trois fois son poids sur la structure qui la soutient.

Cette volée permet donc de diminuer les efforts produits lors du balancement de cette dernière, notamment par l'ajout d'un contrepoids dans le battant, permettant à ce dernier de venir frapper la pince en haut de la cloche tout en minimisant les efforts sur la structure porteuse de la cloche. Le centre de rotation de la cloche est déplacé vers le bas au niveau du col.

La cloche "Savoyarde", plus gros bourdon de France avec ses 18 Tonnes est sonnée en rétro-lancé pour minimiser les efforts sur la maçonnerie du campanile du sacré cœur de Montmartre.

La Savoyarde, crédits audio : Les Cloches Savoyardes

La volée rétro-mitigée est un mode de volée qui s'apparente à la volée rétrograde, c'est à dire que le battant frappe le bas de la pince, à la différence que le centre de rotation de volée n'est plus en haut des anses mais au niveau du col de la cloche.

Lorsque la volée effectue un angle de rotation de 360° on parle de volée tournante. Elle est employée principalement en Espagne et en Angleterre mais les traditions de sonneries entre ces pays diffèrent.

Si en Espagne, on opère plusieurs rotations complète de la cloche en continu, en Angleterre on marque un temps d'arrêt lorsque la cloche se trouve en haut avant de refaire un tour complet. Dans un ensemble, cela permet de jouer de véritables mélodies à l'image du fameux thème du "Bristol Surprise Maximus" et à cette fin les cloches sont encore souvent sonnées à la corde par des groupes de carillonneurs comme à Grantham dans le Lincolnshire.

Cloches de Grantham (GB), crédits audio : David Braunton

Insomnies : le mal du siècle ou comment en est-on venu à faire taire les cloches  ?

Il y a quelques années, les habitants de la ville du Mans ont été réveillés en pleine nuit par la sonnerie des cloches de la cathédrale². Un dysfonctionnement électrique en cause avait fait sonner la cloche de l'Angélus à deux heures du matin. Hormis quelques pannes, ce genre d'événement n'arrive que très rarement, tout au plus la nuit de Noël à minuit pour célébrer l'évènement solennel. Si ces sonneries nocturnes nous surprennent, ce n'était pas le cas de l'homme du moyen-âge.

 

De nos jours, dans nos villages les cloches se taisent davantage la nuit et ne sonnent plus les heures.

Comment en est-on arrivé à vouloir le mutisme des cloches ? Il ne s'agira pas là de débattre de la légitimité de ces interruptions de sonneries mais plutôt de comprendre l'évolution de nos mœurs, de notre rapport au sacré, aux cloches, qui jadis sonnaient à toute heure depuis des siècles sans que cela ne gêne personne (ou presque)...

Voilà un sujet bien épineux à traiter mais qui m'a pourtant semblé important d'évoquer pour clore cette brève histoire des cloches.

Pour rythmer la vie religieuse monacale et canoniale, on sonnait les cloches aux heures importantes de la journée pour annoncer les temps de prière qui débordaient aussi sur la nuit. Matines, Complies... Ces offices s'accompagnaient de sonneries de cloches à toute heure.

Mais déjà à l'époque, certains en étaient lassés comme en témoigne les quelques vers laissés par le chanoine François Maucroix au XVIIe siècle : "Belle chanoinesse De Saint-Augustin Vous vous levez trop matin. Un peu de paresse Repose le teint."

Mais comme la religion était l'un des piliers principaux de la société, ces contraintes faisaient partie du quotidien.

Il faut dire également que l'homme médiéval avait un autre rapport au sommeil et à la nuit. Il dormait de manière fractionnée.

L'éclairage étant un luxe que seul quelques privilégiés pouvaient se payer, la nuit commençait tôt et l'on s'endormait peu après la nuit tombée pour environ quatre heures de sommeil avant de se lever au milieu de la nuit

pour se consacrer à quelques activités nocturnes quelques heures avant de se recoucher pour la deuxième partie de la nuit et de se lever à l'aube. La nuit étant longue, se réveiller au milieu de celle-ci était habituel.

Alors les cloches étaient elles déjà la cause d'insomnies ou le rythme de sommeil spécifique aux hommes de l'époque leur permettait d'être peu perturbés par les sonneries ? Trop peu de sources nous éclairent sur la question, mais on peut penser que la foi des premiers chrétiens passait avant toute chose.

Il faut dire que les cloches rappelaient aussi la présence des édifices sacrés donc de Dieu.

L'archéologue Didron écrit en 1838 au sujet du carillon de Notre Dame de Reims : "La musique ne cesse ni de jour ni de nuit à la cathédrale, car à chaque heure, à chaque demi-heure, un carillon sème dans l’atmosphère des airs sacrés ; avant que l’heure ne sonne, il annonce toutes les divisions de l’heure avec la voix argentine de ses petites clochettes, comme un portail tout fleuri d’ornements annonce et devance une cathédrale, comme une brillante colonnade précède un palais".

De nos jours, les cloches si elles rappellent l'heure de l'angélus, le rythme de la journée à travers les temps de prière de jadis, ont peut être aussi perdu un peu de leur sens premier à nos yeux et les sonner la nuit pour annoncer des Matines que peu de gens célèbrent encore semble peut être superflu. A chaque époque ses priorités me direz-vous.

L'appel des fidèles à travers différents religions, un pont entre les peuples

Sources bibliographiques :

1 : Combien ça porte ? Article sur les angles de volée des cloches, Juillet 2012

2 : Insolite. Pourquoi les cloches de la cathédrale du Mans ont sonné en pleine nuit, Article d'Ouest France, Octobre 2014

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